
L'influence de Jules Verne sur les jeux vidéo steampunk.
Share
Le steampunk est bien plus qu’un simple style visuel ; c’est un univers, une philosophie, une réinvention audacieuse du passé à la lumière de rêves technologiques rétro. Parmi les pères fondateurs de cet imaginaire, un nom s’impose avec éclat : Jules Verne. Son œuvre visionnaire, véritable matrice de l’aventure scientifique, a influencé la littérature, le cinéma, mais aussi, de manière profonde et durable, l’univers vidéoludique steampunk.
Comment l’auteur de Vingt Mille Lieues sous les mers ou de De la Terre à la Lune a-t-il modelé l’esthétique, les thèmes et les mécaniques des jeux vidéo steampunk ? Quelles traces de son génie retrouve-t-on dans les œuvres vidéoludiques contemporaines ? C’est ce que nous allons explorer en détail, dans un voyage passionnant entre submersibles géants, mécaniques à vapeur, utopies déchues et aventuriers victoriens.
Bienvenue dans cette plongée au cœur des rouages verniens du jeu vidéo steampunk — un article signé steampunk-one.com, la référence francophone sur le sujet.
Un héritage fondateur : Jules Verne, pionnier du steampunk avant l’heure
Longtemps avant que le mot “steampunk” n’émerge dans les années 1980, Jules Verne en incarnait déjà les fondements. Son œuvre déborde de caractéristiques que l’on retrouvera plus tard dans les univers steampunk :
-
Technologie anachronique : sous-marins, dirigeables, scaphandres, foreuses géantes…
-
Élans d’exploration et fascination pour les frontières de la science.
-
Esthétique victorienne mêlée à des inventions futuristes.
-
Critique de la société industrielle, entre admiration et méfiance envers le progrès.
-
Personnages excentriques, géniaux ou tyranniques, à la tête de mondes isolés ou de machines extraordinaires.
Le Capitaine Nemo, l’un de ses personnages emblématiques, symbolise parfaitement cette ambivalence technologique : visionnaire humaniste pour certains, despote technophile pour d’autres.
C’est dans cette tension, entre progrès et catastrophe, que s’enracine la richesse du steampunk, et que Jules Verne devient une source d’inspiration incontournable pour les créateurs de jeux vidéo.
Une esthétique visuelle marquante : machines à vapeur, rivets et cuivre
L’une des premières manières dont Jules Verne influence les jeux vidéo steampunk est visuelle.
Ses descriptions méticuleuses de machines fantastiques — du Nautilus au Canon Columbiad — ont nourri l’imaginaire graphique des développeurs. Dans les jeux inspirés du steampunk, on retrouve fréquemment des éléments qui semblent sortis tout droit des gravures des éditions Hetzel :
-
Cuivre, bronze, engrenages visibles
-
Tubulures, manomètres, cadrans
-
Habitacles aux allures de cabinets scientifiques
-
Costumes victoriens hybridés avec des armures mécaniques
Jeux comme Machinarium, SteamWorld Dig, Thief ou encore Dishonored puisent dans cette esthétique, tantôt rétro-futuriste, tantôt post-apocalyptique, pour créer une atmosphère singulière et immédiatement reconnaissable.
Dans certains cas, l’hommage est explicite. Le jeu 80 Days de Inkle, par exemple, réinvente Le Tour du Monde en 80 jours dans un monde uchronique où la vapeur a tout transformé. Le joueur incarne Passepartout, fidèle serviteur de Phileas Fogg, et doit organiser son périple à travers un monde reconfiguré par la technologie. Le style graphique évoque les illustrations anciennes, et chaque ville visitée regorge de détails qui pourraient être extraits des pages d’un roman vernien.
La narration exploratoire : une aventure aux confins du monde
Verne, c’est l’aventure. L’appel du large. L’exploration de territoires inconnus. Cet héritage narratif est au cœur de nombreux jeux steampunk, où l’on ne sauve pas forcément le monde à coup de fusil plasma, mais où l’on découvre, comprend, observe.
Des titres comme Sunless Sea ou Frostpunk exploitent cette dynamique :
-
Dans Sunless Sea, le joueur incarne un capitaine qui explore une mer souterraine mystérieuse. On y retrouve les thèmes chers à Verne : l’inconnu, le danger permanent, le rapport intime à la machine (le navire), et une narration riche en journal de bord.
-
Frostpunk, quant à lui, imagine une cité steampunk en pleine ère glaciaire. La technologie devient l’outil de la survie, mais au prix de dilemmes moraux dignes d’un roman philosophique.
La lente montée de la tension, le mystère qui entoure chaque découverte, l’esthétique textuelle des carnets de voyage : autant d’éléments hérités du romancier français.
Les figures verniens dans les jeux : scientifiques fous, ingénieurs de génie, explorateurs intrépides
Les personnages archétypaux créés par Jules Verne peuplent aussi les jeux steampunk. Le savants excentriques, les inventeurs de génie, les aventuriers solitaires sont des figures centrales, presque mythologiques.
Prenons quelques exemples :
-
Dans Bioshock Infinite, le fondateur de la cité volante de Columbia, le prophète Comstock, évoque par moments un hybride entre le Capitaine Nemo et le Professeur Lidenbrock de Voyage au centre de la Terre. Obsédé par sa vision du monde, il crée une utopie technologique qui finit par virer à la dystopie.
-
Dans Syberia, le personnage d’Hans Voralberg, génie bricoleur créateur d’automates, fait clairement écho à la vision romantique et mélancolique de l’inventeur vernien.
-
Dans The Order: 1886, jeu d’action situé dans un Londres uchronique, les membres de l’ordre utilisent des armes avancées développées par… Nikola Tesla — un clin d’œil moderne à l’obsession vernie pour la science appliquée.
Les développeurs empruntent à Verne ses archétypes narratifs pour construire des histoires à la fois épiques et humaines.
Jules Verne et les univers persistants : de Myst à Dishonored
Certains jeux vont plus loin que la simple inspiration visuelle ou thématique, et recréent des mondes entiers, complexes et cohérents, à la manière des univers verniens.
-
Myst et sa suite Riven plongent le joueur dans des univers énigmatiques, dotés de machines complexes et de récits cachés. On y ressent cette même impression de mystère technologique que dans L’Île mystérieuse.
-
Dishonored, quant à lui, propose une uchronie où la vapeur et l’électricité coexistent dans une cité corrompue. Les décors, les gadgets, le système de transports évoquent un XIXe siècle alternatif à la Jules Verne. Le jeu a même été comparé à un “roman de Verne plongé dans les ténèbres”.
Ces univers ne se contentent pas d’être des décors : ils sont vivants, interconnectés, empreints de logique interne, à la manière des mondes que Verne concevait avec une rigueur presque scientifique.
Verne et le gameplay : la machine comme prolongement du joueur
Dans les romans de Jules Verne, les machines ne sont pas de simples outils : elles sont des extensions de leurs créateurs. Le Nautilus est autant un vaisseau qu’un personnage. De même, dans les jeux vidéo steampunk influencés par Verne, les machines font partie intégrante de la jouabilité :
-
Dans SteamWorld Heist, on dirige des robots à vapeur dans une sorte d’espace western mécanique.
-
Dans They Are Billions, la défense de la colonie repose sur l’optimisation de machines de production et de défense, dans une ambiance très “Âge industriel alternatif”.
-
Dans AER: Memories of Old, bien que plus onirique, la transformation en oiseau rappelle l’obsession vernie pour les moyens de transport extraordinaires, tels que les ballons dirigeables ou les fusées lunaires.
Le jeu devient alors une expérience immersive où le joueur apprend à dompter la technologie — thème récurrent chez Verne.
Adaptations directes : Jules Verne dans les jeux vidéo
L’influence de Verne est telle qu’elle a donné lieu à des adaptations officielles de ses œuvres dans le monde vidéoludique :
-
Return to Mysterious Island (2004) et Return to Mysterious Island 2 sont des jeux d’aventure directement inspirés de L’Île mystérieuse, développés par Kheops Studio.
-
Voyage: Inspired by Jules Verne (2005), également du même studio, transpose De la Terre à la Lune dans un jeu d’énigmes et d’exploration.
-
80 Days (2014) de Inkle est l’une des plus célèbres adaptations interactives, acclamée pour sa richesse narrative et son style rétrofuturiste.
Ces jeux ne se contentent pas de reprendre l’intrigue : ils réinventent l’expérience en jouant sur l’interactivité, la prise de décision, et la découverte progressive, dans l’esprit des récits de Verne.
Un pont entre tradition et modernité
Si le steampunk est un genre profondément nostalgique, il est aussi résolument moderne. Il interroge notre rapport au progrès, à l’écologie, à la surveillance, à la société. Or, ce sont là des thèmes précurseurs chez Verne, que les jeux vidéo steampunk exploitent avec brio.
Par exemple :
-
Frostpunk interroge la moralité du progrès technologique dans une société en crise.
-
Dishonored critique la corruption du pouvoir technologique.
-
Bioshock Infinite questionne le fanatisme et le transhumanisme dans une cité utopique devenue cauchemar.
À travers ces titres, on perçoit l’héritage philosophique de Jules Verne, qui ne célébrait pas la technologie sans réserve, mais en soulignait aussi les dérives potentielles.
Conclusion : un héritage bien vivant
Plus d’un siècle après sa mort, Jules Verne continue d’inspirer l’imaginaire collectif. Et dans le monde des jeux vidéo steampunk, son influence est omniprésente : dans l’esthétique, les mécaniques, les récits, les personnages, et même dans l’esprit même du jeu comme aventure intellectuelle.
Les jeux vidéo, en tant que médium interactif, sont peut-être le prolongement naturel de l’œuvre vernienne : ils permettent l’exploration, l’invention, la curiosité, le dépassement de soi — autant de valeurs que Jules Verne a défendues avec passion.
Sur steampunk-one.com, nous continuerons d’explorer cette passionnante convergence entre littérature classique et créations vidéoludiques contemporaines. Que vous soyez joueur, lecteur ou créateur, souvenez-vous que derrière chaque dirigeable pixelisé ou chaque automate en cuivre se cache peut-être… une page de Jules Verne.