L'Influence des Femmes dans la Littérature Steampunk

L'Influence des Femmes dans la Littérature Steampunk

La littérature steampunk, avec ses engrenages clinquants, ses machines à vapeur et ses univers uchroniques fascinants, ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui sans l’apport précieux, subtil mais profond, des femmes — autrices, personnages, éditrices, illustratrices. Leur contribution a transformé le genre, lui insufflant une complexité narrative et émotionnelle qui va bien au-delà de l’esthétique victorienne.

Dans cet article, nous allons explorer l’influence majeure des femmes dans la littérature steampunk, en mettant en lumière les figures incontournables, les héroïnes puissantes, et les thèmes féminins et féministes qui ont enrichi ce genre alternatif. Une plongée captivante dans un univers où la vapeur n’est jamais qu’un prétexte pour parler d’humanité, d’égalité… et de révolution.


Une place conquise à la force de la plume : autrices steampunk incontournables

Contrairement à de nombreux autres genres littéraires, le steampunk s’est révélé, dès ses débuts, un terrain fertile pour les voix féminines. Plusieurs autrices ont posé les bases du steampunk moderne, chacune avec sa vision, ses préoccupations, et sa propre manière de revisiter l’histoire.

Gail Carriger : l'élégance mordante du steampunk

Impossible de parler du steampunk au féminin sans évoquer Gail Carriger, autrice de la célèbre série Le Protectorat de l’Ombrelle. Avec son style à la fois raffiné et sarcastique, elle a su imposer une héroïne inoubliable : Alexia Tarabotti, une femme sans âme, dotée d’un esprit acéré et d’une personnalité flamboyante. Carriger revisite avec brio l’époque victorienne tout en intégrant une critique sociale sous-jacente : les rôles de genre, les attentes imposées aux femmes, les classes sociales.

Son succès démontre que l’univers steampunk peut allier romance, action, surnaturel et commentaire social avec panache — et tout cela sous la plume d’une femme.

Cherie Priest : l’apocalypse à vapeur

Autre grande figure du genre, Cherie Priest est connue pour sa série The Clockwork Century, notamment le roman Boneshaker. Dans cet univers dystopique où une guerre civile sans fin se mêle à une épidémie zombifiée, Priest insuffle une tension palpable… portée par des personnages féminins résilients et débrouillards.

Elle redéfinit l’aventure steampunk à travers le prisme de la survie, de la maternité, du courage quotidien, bien loin des salons dorés et des dandys mécaniques. Les héroïnes de Priest sont des femmes du peuple, des mères, des scientifiques, des résistantes. Elles remettent en question les archétypes et imposent une nouvelle forme de protagoniste féminine.

Cassandra Clare : steampunk et romance paranormale

Connue pour The Mortal Instruments, Cassandra Clare a également marqué l’imaginaire steampunk avec sa trilogie The Infernal Devices (Les Origines en français). Dans cet univers mêlant démons, société secrète et technologies mécaniques, les femmes sont bien plus que des faire-valoir romantiques.

Tessa Gray, l’héroïne de la trilogie, incarne la quête d’identité, la découverte de pouvoirs, l’autonomie face aux diktats masculins. Clare y injecte des éléments de critique sur la condition des femmes à l’ère victorienne, tout en construisant un univers sombre, riche et fascinant.


Des héroïnes puissantes et subversives : l'autre visage du steampunk

Au cœur de la littérature steampunk, ce sont souvent des femmes qui mènent la danse. Loin des stéréotypes de la demoiselle en détresse, les héroïnes steampunk sont ingénieures, pilotes, espionnes, aventurières ou même reines de l’underground.

Une réappropriation des rôles genrés

Le steampunk, par sa nature uchronique, permet de réécrire les rôles sociaux. Ainsi, on voit émerger des héroïnes qui maîtrisent la science, qui manipulent la vapeur, qui défient les conventions morales et religieuses. Elles sont aussi souvent queer, racisées, ou issues de classes sociales marginalisées.

Ces personnages proposent une relecture politique du genre. La robe victorienne devient une armure ; le corset, un symbole de contrainte retourné en outil d'empowerment ; la machine, une extension de la volonté féminine.

Quelques héroïnes marquantes à retenir

  • Hannelore Valdaire (Lady of Devices de Shelley Adina) : une noble ruinée qui devient ingénieure pour survivre, et fonde une confrérie de jeunes filles révolutionnaires.

  • Briar Wilkes (Boneshaker) : mère déterminée, prête à traverser une ville empoisonnée pour sauver son fils.

  • Octavia Pye (The Affinity Bridge de George Mann) : une assistante détective dotée d’un esprit brillant, dans un Londres rétro-futuriste.

Chacune de ces héroïnes casse les codes, détourne les attentes, et redéfinit ce que peut être une femme dans la fiction historique alternative.


Le steampunk comme vecteur de revendications féministes

Sous ses allures de fiction rétro, le steampunk est une zone de liberté narrative. Il permet d'imaginer des sociétés différentes, de rejeter les oppressions passées (ou les détourner), et de poser des questions modernes dans un décor ancien.

Une fiction rétrofuturiste pour critiquer le passé

Les récits steampunk permettent de questionner l’époque victorienne, notamment son sexisme, son patriarcat, son obsession de la morale. Les autrices utilisent souvent cet ancrage pour mettre en lumière des figures historiques effacées, ou en inventer de nouvelles, et proposer une réécriture du passé où les femmes ont leur mot à dire.

Ce que la littérature académique a nommé “retroféminisme” — c’est-à-dire l’injection de valeurs féministes dans un contexte ancien — est très présent dans le steampunk. On y parle d’éducation des filles, d’accès au savoir, de droit au plaisir, de refus du mariage forcé, etc.

Sororité, science, pouvoir : les piliers féminins du genre

Une autre thématique importante dans les récits steampunk féminins est celle de la sororité. Les protagonistes s’entraident, créent des réseaux, fondent des guildes, partagent des savoirs techniques. Cette solidarité féminine devient un levier pour changer la société à l’intérieur même de la fiction.

De même, la science n’est plus l’apanage des savants barbus : elle devient le domaine d’ingénieures, d’inventrices, de chirurgiennes. La technologie, dans les mains des femmes, cesse d’être une menace froide et devient outil d’émancipation.


Le steampunk et la diversité : femmes racisées, queer et marginalisées

Le steampunk n’est pas qu’un genre d’hommes blancs dans des dirigeables en tweed. Grâce à de nombreuses autrices et à une ouverture progressive, il s’enrichit de voix diverses et plurielles, notamment féminines.

L’apport des autrices racisées

Des autrices comme P. Djèlí Clark (même s’il est un auteur, il crée des personnages féminins puissants) ou Nisi Shawl avec Everfair imaginent des uchronies postcoloniales où les femmes noires, africaines ou diasporiques ont un rôle central.

Shawl, notamment, propose un Congo alternatif, libre, technologiquement avancé, où des femmes conçoivent des machines et des sociétés justes. Elle propose un contre-discours aux récits impérialistes classiques.

Steampunk et représentations LGBTQ+

Le genre s’ouvre aussi à la représentation queer. On trouve désormais des héroïnes lesbiennes, des personnages non-binaires, des récits de transition ou de découverte de soi. L’espace fictionnel du steampunk devient un laboratoire d’identités, un terrain d’exploration de ce qui n’aurait jamais pu exister dans le passé réel, mais peut exister dans un passé rêvé.

Des autrices comme Tansy Rayner Roberts ou A.J. Fitzwater intègrent ces dimensions dans leurs œuvres, tout en gardant l’esthétique chère au genre.


Les femmes illustratrices et éditrices dans le monde steampunk

L’influence féminine ne s’arrête pas à l’écriture : elle s’étend aussi aux arts visuels et à l’édition, où de nombreuses femmes ont façonné l’imagerie steampunk contemporaine.

L’illustration au féminin

Des artistes comme Angie Wang, Genevieve Tsai ou Abigail Larson ont donné au steampunk un visage plus éthéré, gothique, féminin, mais aussi parfois plus sombre et introspectif. Elles réinventent l’esthétique du genre, en multipliant les perspectives visuelles et symboliques.

Leurs œuvres s’éloignent des machines pour se rapprocher des corps, des émotions, des rêves. Elles donnent au steampunk une profondeur onirique, presque romantique, où la technologie n’est plus forcément extérieure, mais parfois intérieure.

Le rôle des éditrices et curatrices

Côté édition, des femmes comme Ann VanderMeer, co-éditrice de l’anthologie The Steampunk Bible, ont joué un rôle central pour légitimer le genre, le diffuser, et en montrer la richesse et la diversité.

Ces femmes œuvrent dans l’ombre pour faire émerger de nouveaux talents, mettre en avant des voix minoritaires, et pousser le steampunk au-delà du simple gadget esthétique. Elles sont les gardiennes d’un genre en constante évolution.


Pourquoi cette influence est-elle essentielle au genre steampunk ?

L’influence des femmes dans la littérature steampunk ne se limite pas à une participation symbolique. Elle est structurelle, fondatrice, et conditionne la richesse du genre. Sans elles, le steampunk serait probablement resté un jeu d’érudits masculins, entre nostalgie impérialiste et fétichisme mécanique.

Une vision plus large de l’histoire et de l’uchronie

Les autrices introduisent dans le steampunk des préoccupations sociales, politiques, éthiques. Elles posent des questions sur le rôle des femmes dans l’Histoire, sur les violences d’État, sur l’exclusion, sur la marginalité.

Leur contribution rend le genre plus complexe, plus nuancé, plus humain. Elles font du steampunk un terrain d’émancipation, pas seulement un terrain de jeu esthétique.

Une invitation à réinventer le présent

En réécrivant le passé, ces autrices nous invitent aussi à réfléchir à notre présent. Les problématiques abordées (genre, identité, pouvoir, technologie) sont brûlantes d’actualité. Le steampunk devient ainsi un outil critique autant qu’un divertissement.


Pour conclure : la vapeur est aussi une affaire de femmes

Le steampunk n’est pas un genre figé. Il vit, respire, se transforme — et une large part de cette évolution est due aux femmes. Leurs plumes affûtées, leurs imaginaires généreux, leurs engagements profonds ont réinventé les codes et ouvert des brèches dans les murs de l’Histoire.

Sur steampunk-one.com, nous célébrons cette diversité, cette richesse, cette puissance. Parce que la révolution ne viendra peut-être pas dans un dirigeable… mais bien dans un roman signé d’une femme, entre une tasse de thé et une clé à molette.

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